Tabu Ley Rochereau, né Pascal Emmanuel Tabu, Sinamoyi (du nom du village de ses parents), est né à Sinamuey, le 13 novembre 1940 à Bagata (une localité de l’ancienne province de Bandundu, actuelle province de la Kwilu) en RD Congo et mort le 30 novembre 2013 à Bruxelles (Belgique), est un chanteur compositeur et homme politique congolais.
Petit prodige de la chanson, c’est en 1954 qu’il donne “Besama Muchacha”, premier de ses futurs et nombreux tubes, à l’African Jazz de Joseph Kabasélé.
Tabu chante à l’église et dans les chorales des établissements scolaires qu’il fréquente avant de rejoindre, en 1959, l’Éducation nationale du Congo. Il entame alors une carrière de fonctionnaire, d’abord comme secrétaire administratif au Fonds du Bien-être indigène puis en tant que responsable administratif et financier à l’Athénée de Kalina (l’actuel Institut de la Gombe). Il est avec Franco (mort en 1989), l’une des deux plus grandes stars de la Rumba. Il fut le premier artiste africain à se produire à l’Olympia.
Bien que le nom exact de sa progéniture ne soit pas connu, Tabu Ley est issu d’une multitude. Marié à Georgette Mowana (alias « Tété »), il a cinq enfants : Blackson Matthieu, Mireille-Esther, Colette, Gisèle et Isabelle. Il vécut un amour idyllique avec la Miss Zaïre 1969 Jeanne Mokomo, avec qui il a eu six enfants : Carine, Laty, Bob, Abel, Pegguy et Flore. Quatre de ses fils parmi ses enfants, Pegguy Tabu, Abel Tabu, Philémon et Youssoupha ainsi que sa petite-fille, Shay, ont percé dans le milieu de la musique en tant que chanteurs et compositeurs. De son vivant, Tabu Ley a chanté avec l’artiste rappeur Youssoupha en studio et en duo le 7 mai 2012 à l’Olympia.
Tabu Ley Rochereau décède le samedi 30 novembre 2013 au matin à l’hôpital Saint-Luc de Bruxelles. Victime d’un AVC (accident vasculaire cérébral) depuis 2008, il ne s’en est jamais remis. Il est enterré le 9 décembre 2013 à la Nécropole de la Nsele à Kinshasa.
Surnoms
Comme tous les grands musisciens congolais, Rochereau compte également de nombreux surnoms : le « messager », le « baobab de la rumba congolaise » , « le prince Rochereau », « Seigneur Rochereau », « l’Ambassaduer de la Rumba congolaise », etc.
Debuts Musicaux
Le chant, Tabu Ley l’a commencé, comme beaucoup de gosses de son âge, dans les chorales d’églises et celles des écoles dans les années 1950. En 1956, il se fait recruter lors d’une une séance d’enregistrement par Grand Kallé (Joseph Kabasele), auteur du premier tube pan-africain Indépendance cha cha (1960). Content de lui, le boss l’engage dans son groupe, l’African Jazz. Il prend Rochereau comme nom de scène, en référence au gouverneur de Belfort, Pierre Philippe Denfert-Rochereau, héros de la guerre franco-allemande de 1870, à la suite d’une question d’histoire dont il aurait été le seul à connaître la réponse.
Ses premiers titres, comme Kelya, Adios Tété et Bonbon sucré le font connaître du public. Il est alors proche du Mouvement national congolais de Patrice Lumumba.
Il quitte l’African Jazz et rejoint l’orchestre Jazz Africain en novembre 1960. En 1963, Tabu Ley forme avec le guitariste Docteur Nico le groupe African Fiesta qui, plus tard, se scindera en deux, puis fonde African Fiesta Flash en 1965. Il y compose, entre 1964 et 1968, près de 200 chansons. L’orchestre se rend à Brazzaville et à Montréal à l’occasion de l’exposition universelle de 1967.
Succes à l’International
« Tout commence vers les années 1969 lorsque l’entourage de Tabu Ley Rochereau comprend qu’il faut sortir ce dernier du carcan national pour de nouveaux horizons. C’est là que naît le projet de jouer à L’Olympia de Paris. Messieurs Samba (que Paul Ndombe immortalisera plus tard) et Léon Xacis (tous deux Ivoiriens) mettent la main à la pâte. Le Manager de Tabu Ley, Ngwango Isi Nyoma (dit Selija), les hommes du Président Mobutu (en l’occurrence Mokolo wa Mpombo Edouard, Umba-di-Lutete) approuvent aussi le projet. Le projet est préparé dans le plus grand secret. Au sein même de l’African Fiesta National (l’orchestre de Tabu Ley), les musiciens les plus proches de Rochereau ne sont au courant de rien. Vers le début de l’année 1970, les deux ivoiriens invitent Mr Bruno Coquatrix (patron de l’Olympia de Paris) à Kinshasa. Ce dernier veut savoir à quoi ressemble cet orchestre congolais, surtout, cet artiste qui veut jouer dans son mythique music hall. Un spectacle spécial est organisé à cet effet au bar Suzanella (sur l’avenue de l’Université, a quelques pas du rond-point Yolo Médical, quartier Mombele). Bruno Coquatnx est convainçu et accepte de recevoir Pascal Tabu sur les planches mythiques de l’Olympia de Paris. Le français passe même en direct sur la télévision nationale pour exprimer son satisfecit.
Tabu Ley Rochereau et ses musiciens passeront huit mois au Domaine présidentiel de la N’Sele, gracieusement offert par le Président Mobutu, pour préparer le spectacle de I’Olympia de Paris. Et ce 12 décembre 1970, en début de soirée, Rochereau monte sur la scène de L’Olympia de Paris où toutes les places ont déjà été vendues. Le concert est retransmis en direct sur les ondes de la Radio nationale en RD Congo. A la tête de son African Fiesta National avec des musiciens comme Pépé Ndombe, Kassanda René (“Kare”), Empompo Loway, Mavatiku Michelino et autres. Pascal Tabu jouera 26 jours d’affilée (34 spectacles au total, excepté les dimanches), d’abord comme tête d’affiche pendant 16 jours, puis en première partie de Julien Clerc pour 10 jours concerts.
Au retour de Paris, Rochereau et son African Fiesta National font un tour de triomphe à travers tout le pays, avec des chansons comme “Silikani”, “Mundi”, “Chéri Samba”, “Seli Ja”. Le Président Léopold Sedar Senghor estime que Pascal Tabu ne peut pas en rester là. Il l’invite au Sénégal, lui qui, de sa propre main avait déjà eu peu avant, à adresser une lettre de félicitations et d’hommage à l’auteur de “Mokolo na kokufa”. Le voyage du Sénégal (particulièrement à Soumbe Djoum) les inspire. Ils donnent ce nom à une danse qui deviendra célèbre sous le nom de “Soum Djoum”. L’année suivante, fort de ce succès, Tabu Ley change le nom de son orchestre : l’African Fiesta National devient “Afrisa International”, comme pour marquer le passage de Rochereau à la scène internationale ».
Comme l’avait fait Kallé, son mentor, Rochereau apporte, avec son orchestre l’African Fiesta National, pas mal d’innovations dans la rumba congolaise, en adoptant tout d’abord la batterie. Seskain Molenga, un des fondateurs de l’orchestre Bakuba, est le premier batteur à inaugurer le genre dans le groupe de Rochereau lors des concerts à l’Olympia. Cette mode sera suivie par plusieurs orchestres, comme les Bella Bella des frères Soki.
Parmi les orchestres qui embrassent cette mode, un orchestre fait vraiment peur au groupe de Rochereau, pendant que ce dernier est en tournée en Afrique de l’Ouest : il s’agit de l’orchestre Les grands Maquisards, dirigé par Dalienst (judicieux mélange des lettres de Ntesa Daniel), dont la majorité des musiciens ont fait ou feront partie du groupe de Rochereau.
Se voyant menacé, Rochereau riposte de manière assez stupéfiante en lançant depuis Dakar, avec trois disques 45 tours, la fameuse danse Soum Djoum. Ces 45 tours contenaient les titres qui deviennent cultes comme Seli Ja, Silikani, Mundi et Samba. Le Soum Djoum, comme tous les rythmes lancés par Rochereau, est à l’origine de la naissance d’orchestres comme Continental, qui lui donnera ses lettres de noblesse.
Tandis que les apports de Kallé dans la musique congolaise sont très influencés par les rythmes afro cubains (African Jazz puis African Team), Rochereau est, lui, très inspiré par la pop et le rhythm and blues des années 1960-1970, tant et si bien qu’il n’hésite pas à se produire sur scène avec des pantalons patte d’éléphant et coiffure Afro. Son amour pour la pop s’est manifesté par la chanson Lal’a bi qui n’est autre qu’une interprétation, dans une langue du Congo, de la célèbre chanson des Beatles Let it be.
Tabu Ley Rochereau, bien qu’étant un très bon et grand chanteur solo, a réussi avec ses chansons quelques duos assez mémorables avec d’autres chanteurs qui l’accompagnaient. On peut citer des chansons comme Permission et Rendez-vous chez là-bas avec Mujos, Souza et Maguy avec Sam Mangwana, Ki makango mpe libala et Gipsy avec Ndombe Pepe.
En 46 ans de carrière, Tabu Ley a composé plus de 3 000 chansons et vendu plusieurs milliers de disques.
Exil et carrière politique
À la suite des mesures de zaïrianisation lancées en octobre 1971 par le président Mobutu Sese Seko, Pascal Tabu devient « Tabu Ley ». En délicatesse avec le régime de Mobutu, le musicien préfère prendre de la distance avec le régime et s’éloigne de Kinshasa dès 1986, partageant sa vie entre Paris, l’Afrique du Sud et les États-Unis puis en Belgique, d’où il prend parti contre la dictature de Mobutu.
En 1993, sa chanson Le glas a sonné est censurée. « Les paroles véhiculaient des valeurs anti-Mobutu et elles ont fait des émules » déclarera le chanteur. « Quelques années plus tard, Mobutu tombait. Le sens de ce titre était : il est temps de ne plus avoir peur des dictateurs, de dire tout haut ce que l’on pense tout bas, il est temps que la dictature s’en aille et pour cela de faire appel aux esprits de Lumumba et de tous les anciens politiciens progressistes. » A la chute du régime en 1997, il rentre au Congo et s’investit dans la vie politique tout en gardant un pied dans le monde artistique.
Il revient au Congo en 1997 après la chute du régime Mobutu pour s’investir en politique. Co-fondateur du Rassemblement Congolais pour la Démocratie. À la tête du mouvement La Force du peuple, il participe alors à la vie politique du pays tout en poursuivant ses activités artistiques. Militant au sein du Rassemblement Congolais pour la Démocratie, il sera tout à tour député de la transition, vice-gouverneur de la ville Kinshasa en 2005 puis ministre provincial en charge de la culture.
En juillet 2008, peu de temps après avoir représenté la RDC (République Démocratique du Congo) au festival mondial de musique organisé à Varadero, à Cuba, il est victime d’un accident vasculaire cérébral. Une rumeur annonçant sa mort dans une clinique bruxelloise où il est soigné circule alors, suscitant une vive émotion sur le continent et parmi la diaspora congolaise. La fausse nouvelle est démentie par ses proches, avec à l’appui des images de l’artiste dans son lit, diffusées sur Internet.
En 2012, lors de ses 72 ans d’âge, Tabou Ley a été décoré à Kinshasa, par le Chancelier des ordres nationaux, de deux médailles d’or dont une de mérite civique et l’autre des arts, sciences et lettres, en signe de récompense pour ses nombreuses œuvres artistiques qui ont valorisé la culture congolaise à travers le monde.
Décès et obsèques
Tabu Ley Rochereau décède le samedi 30 novembre 2013 au matin à l’hôpital Saint-Luc de Bruxelles.
Lors des funérailles officielles, beaucoup des personnalités du pays lui ont rendu hommages. Parmi les artistes musiciens, on a remarqué la présence de Tshala Muana, Papa Wemba, Koffi Olomide, JB Mpiana, Werrason et bien d’autres comme le Brazzavillois Roga Roga (qui avait même fait le déplacement depuis Brazza avec tous ses musiciens).
Il est enterré le 9 décembre 2013 à la Nécropole de la Nsele à Kinshasa.
Style musical, Renommée et Héritage
Les chansons de Rochereau sont réputées être accompagnées par des arrangements musicaux très soignés. Tabu Ley Rochereau détenait aussi un record de titres honorifiques, des prix, des trophées, des disques d’or et des places de premier plan aux nombreux hit-parades.
Tabu Ley est décrit comme inventeur avec le grand Franco de la soukous (mélange de rumba et sébène). Il était resté, après le décès de Wendo Kolosoy en 2008, l’un des derniers survivants de la génération qui a inventé la rumba congolaise, à la fin des années 1950.
KK