Raymond Lema A’nsi Nzinga dit Ray Lema, né le 30 mars 1946 dans le Kongo central (Zaïre). Voulant rejoindre le village proche de Kary (aujourd’hui Lufu Toto), sa mère, qui vit à Lukala, accouche dans la gare. Fils de chef de gare, à l’âge de douze ans, il voulait être prêtre mais il découvre l’orgue puis le piano au petit séminaire des pères blancs à MIkondo, et joue dans les églises, accompagne les chants grégoriens et commence à apprendre le piano.
Lorsqu’il quitte le séminaire vers 1962, il entre au collège Albert 1er (Collège Boboto). Il va intégrer plus tard l’Université de Kinshasa où il poursuit des études de chimie. Faute de piano disponible il apprend à jouer de la guitare et découvre les Beatles, Hendrix, Django Reinhard et le jazz américain. Il quitte ensuite l’université pour devenir guitariste dans le groupe de Gérard Kazembe. Il découvre alors les nuits de Kinshasa et croise les grands de la musique congolaise qui font à l’époque danser toute l’Afrique (Tabu Ley Rochereau, Kabasele, Franco).
Influencé par le saxophoniste Fela Kuti, participant en 1985 à la Caravane Jéricho, un collectif d’artistes monté pour obtenir la libération de la star de l’afrobeat alors emprisonné dans son pays, il multiplie les rencontres musicales en jouant notamment avec Tony Allen, l’ex-batteur et alter ego de Fela Kuti ou Francis Lassus, l’ex-batteur de Claude Nougaro.
Il monte alors un nouveau groupe, Ya Tupas, au sein duquel il exploite les sources musicales collectées entre 1972 et 1973. Le groupe connaît une certaine notoriété et décroche en 78 le Maracas d’Or, récompense décernée depuis Paris à un artiste africain ou antillais.
En 1974, Ray Lema est nommé directeur musical du Ballet national du Zaïre, avec pour mission de recruter et diriger l’ensemble des musiciens traditionnels représentatifs de la diversité et de la richesse du pays pour accompagner les danseurs du Ballet national. À l’occasion de ses rencontres, il devient Maître Tambour. Il est notamment chargé de constituer un ensemble traditionnel pour le concert accompagnant le combat de boxe légendaire entre Mohamed Ali et George Foreman à Kinshasa en 19744.
Après un violent désaccord avec la Présidence de Mobutu, il répond à l’invitation de la Fondation Rockefeller en 1979 et part aux États-Unis.
Il épouse une Américaine, et apprend les techniques de studio. Il y enregistre même (à la Nouvelle-Orléans) un tout premier disque en solo, « Koteja ». En outre, il participe un temps à un orchestre haïtien. Vers 1981, l’attrait du vieux continent se fait plus fort, et Ray quitte les États-Unis pour la Belgique.
Il s’établit finalement en France en 1982, où il réside depuis lors. Il ne retournera au Zaïre, devenu entre-temps la République Démocratique du Congo, que 30 ans plus tard. Parrain et initiateur du projet de l’Université musicale africaine (UMA), Ray Lema travaille à l’établissement d’une école panafricaine supérieure de musique établie sur le continent. Il est nommé porte-parole de l’Unesco.
En 2013, il signe la musique de la pièce de théâtre Une nuit à la présidence de Jean-Louis Martinelli, qui sera mise en scène par l’auteur en 2014, au Théâtre Nanterre-Amandiers.
Puis il monte un groupe, Carma (Central Africa Rock Machine) composé de musiciens de divers horizons (Zaïre, Cameroun, Haïti, Guadeloupe). On commence alors à le repérer dans les nuits musicales organisées par le magazine Actuel. D’ailleurs, le directeur de la revue, Jean-François Bizot, devient son producteur pendant quelques années. Ray Lema ne tarde pas à trouver un label, Celluloïd, qui lui permet de distribuer en France le mini-album « Koteja » et surtout d’enregistrer son premier véritable album.
Succès
C’est ainsi qu’en 1983 sort « Kinshasa-Washington DC-Paris » qui en un titre d’album, résume le parcours de Ray Lema. Rumba-rock, funk, reggae, tradition, modernité, ce premier album réunit forcément d’innombrables influences. Il marque en tout cas le décollage d’une carrière internationale. L’accueil public et critique est excellent, surtout à une époque où la world music devient un phénomène très commercial.
Fin 1984, Lema donne un concert à la Chapelle des Lombards, antre du jazz parisien. Et, à la même époque, il participe au premier album solo de l’Anglais Stewart Copeland, ex-batteur du groupe Police.
L’année suivante, il rencontre le français Martin Meissonier, ingénieur du son et arrangeur très réputé dans les milieux world music et en particulier africains. C’est à Londres que les deux hommes, fous de sons, s’amusent énormément en studio afin de mettre au point l’album « Médecine » qui sort en octobre 1985.
En 1986, Lema travaille pour le cinéma et compose toute la bande sonore du film « Black Mic Mac » de Thomas Giloux. Puis, l’année suivante, le Zaïrois entame une large tournée européenne (Grèce, Espagne, Italie,…).
Désormais bien implanté en France, Ray Lema développe d’excellents contacts avec les chanteurs français. A tel point qu’en 1988, Lema monte un groupe occasionnel, le Bwana Zoulou Gang composé, non seulement de ses propres musiciens, mais aussi d’artistes français dont Charlélie Couture et son frère Tom Novembre, Jacques Higelin et Alain Bashung. En outre, il fait appel à des musiciens africains, parmi ses amis, dont les Camerounais Willy N’for et Manu Dibango. Très dansant et très festif, cet album réunit à la fois des influences pygmées et le funk le plus électronique.
En 1989, Ray Lema donne un nom sénégalais à son nouvel album, « Nangadeef » (« Bonjour » en wolof). Les invités y sont nombreux. Citons le saxophoniste américain Courtney Pine et les magnifiques voix féminines du groupe sud-africain, Mahotella Queens. Produit par son nouveau label, Island, l’album rencontre un certain succès. Sa réflexion exploratoire sur la musique en général et la musique africaine en particulier séduit public et artistes. Lors d’un concert au Portugal, Lema joue devant une assemblée de 100.000 personnes. Puis, le 6 octobre 1989 sur la scène parisienne de la Cigale, il rencontre un soutien chaleureux du public français.
Côte d’Ivoire
Toute l’année suivante, il continue à tourner de festival en tournée. En juillet, il est invité d’honneur aux Francofolies de La Rochelle. Puis à l’automne, il parcourt l’Afrique avec Radio France Internationale pour une tournée organisée dans les Centres Culturels français à l’occasion du concours « Découvertes ». Parmi les dates, citons Abidjan le 15 novembre. En effet, si Ray Lema ne retourne plus dans son pays natal, son pied-à-terre africain se dessine dans la capitale ivoirienne.
Cette tournée africaine marque fortement Ray Lema et lui inspire en partie son album « Gaïa » qui sort début 1991. Mais devant le trop faible succès du disque, le label Island lâche l’artiste pourtant unanimement reconnu comme un musicien essentiel.
Fin 1990, Ray Lema participe à la production de l’album « Funana » des Cap-Verdiens de Finaçon. Cette première production africaine est une étape nouvelle dans le travail du Zaïrois. Dans les années suivantes, il multiplie les orientations musicales les plus diverses. En 1992, il produit à nouveau un artiste africain en la personne de Were Were Liking et sa troupe du Ki Yi M’bock Théâtre d’Abidjan. Avec Were Were, musicienne camerounaise installée en Côte d’Ivoire, ils écrivent l’opéra « Un Touareg s’est marié avec une pygmée ». Retour au jazz avec le pianiste allemand, Joachim Kühn sur l’album « Euro african suites ».
Mais sa grande expérience du moment est son travail avec le professeur Stefanov, maître de l’art vocal bulgare, et directeur artistique de l’ensemble Pirin’ depuis 1956. Ensemble, ils composent et enregistrent un album étonnant dans lequel 23 chanteuses (14 bulgares, 6 africaines et 3 choristes) mélangent leurs voix et leurs cultures dans un tourbillon de mélodies éblouissantes. Le succès du disque entraîne Ray Lema et l’ensemble dans de longues tournées en 1993 : Francofolies, le festival de Sfinks en Belgique ou le festival des Musiques métisses d’Angoulême.
Simplicité
Sobre retour en 1994 avec le disque « Tout Partout ». Entouré de deux jeunes choristes françaises, Cathy Renoir et Isabel Gonzales, Ray Lema présente un album tout en dépouillement d’où émanent une kora, une flûte pygmée, ou un accordéon. Lema, quant à lui, assure toutes les parties de piano.
En 1996, Ray Lema entreprend un retour sur lui-même dans l’album « Green Light », qui poursuit le travail solo entamé avec « Tout Partout ». De plus, son humanisme prend toute son ampleur lors de missions artistiques qu’il entreprend au Tchad, Bénin et Burkina Faso. Ces voyages lui offrent l’occasion de former et d’aider des artistes et musiciens locaux, tâche que Ray Lema affectionne tout particulièrement.
L’introspection continue avec « Stoptime » qui sort en 1997. Travail plus solitaire, plus acoustique, « Stoptime » est l’expression d’une certaine maturité (la cinquantaine) qui évoque aussi son héritage classique. Cet héritage est à l’honneur en 1997 lorsque Ray Lema se lance dans l’écriture d’un opéra pour un orchestre de 30 musiciens. Inspiré par la nature africaine, cette pièce musicale est répétée pour la première par un orchestre suédois en février 1997. Pour Ray Lema, la découverte de son œuvre jouée par une formation classique représente un choc artistique et émotionnel sans précédent.
Piano solo
Ray Lema se joue des frontières et n’hésite pas à passer d’un univers à l’autre : novembre 2003, le voici au Théâtre des Amandiers de Nanterre en compagnie du metteur en scène Jean-Louis Matinelli pour lequel il compose la musique de « Médée », une pièce de Max Rouquette. Le Syndicat professionnel de la critique dramatique et musicale lui remet pour ce travail le Grand Prix de la Critique comme Meilleur compositeur de Musique de Scène.
Toujours en quête du croisement de l’horizontalité des rythmiques africaines et de la verticalité des hamonies occidentales, Ray Lema reprend en 2004 son chemin en solo: dans la lignée de « Green Light » (1996) et « Stop Time » (1997), il sort « Mizila », un nouvel album épuré, à la fois jazz, classique et pleinement africain. Ray Lema y ajoute toute la puissance de son jeu en public pour la première fois le 29 mars, au Café de la danse à Paris.
Depuis toujours Ray Lema s’intéresse à la transmission des savoirs. Avec l’UMA, l’Université Musicale Africaine, il s’investit dans l’enseignement des pratiques musicales. Il est amené à donner des master-class au Burundi par deux fois (2004 & 2005) ainsi qu’au Burkina Faso (2005) et en Afrique centrale (2006).
En 2005, dans le cadre de l’année du Brésil en France, l’artiste donne une série de concerts avec le chanteur et compositeur brésilien Chico Cesar, pour une fusion entre rythmes des deux continents. Ils se produisent sur plusieurs scènes dont celles des festivals de l’été, à travers l’Europe.
L’année suivante, Ray Lema s’associe au batteur Francis Lassus et au bassiste Etienne Mbappé pour constituer l’African Jazz trio. Une façon de retrouver la scène avec un répertoire encore différent.
En novembre, le trio se retrouve à Ouagadougou au Burkina Faso pour une nouvelle édition de l’Université Musicale Africaine où il dispense des sessions de formation pour les musiciens de la région.
2007 : « Paradox »
Il faut attendre février 2007 pour que Ray Lema sorte un nouvel album. Enregistré avec Etienne Mbappé et Francis Lassus, « Paradox » donne à écouter des morceaux très différents : des chansons en français ou en anglais, des instrumentaux. Ce disque se veut être aussi un hommage à Claude Nougaro (« C’est une garonne ») et à Ali Farka Touré (« Ali Farka Touré ») deux musiciens et amis qui ont beaucoup marqué et influencé Ray Lema.
En parallèle, il a composé la bande originale des 2 volets du téléfilm « Fatou la Malienne » diffusé sur France 2 ainsi que celle du film du réalisateur burkinabè Pierre Yaméogo « Moi et mon blanc ».
En 2008, Ray Lema tourne en formule trio avec Etienne Mbappé et Francis Lassus pour présenter « Paradox » aux quatre coins du monde : Europe, Afrique, Amérique Latine, Chine et Corée.
L’année suivante, dans le cadre de l’année de la France au Brésil, Ray Lema est invité par le Jazz Sinfonica Orchestra de Sao Paulo à enregistrer 13 de ses titres avec un orchestre de 90 musiciens, dirigé par Joao Mauricio Galindo. Cette collaboration donne lieu à deux concerts en mai 2009 à Sao Paulo.
Ce même printemps 2009, Ray Lema remonte un groupe qu’il baptise Saka Saka, du nom d’un plat congolais à base de manioc et de poisson. Cette formation est composée du bassiste camerounais Etienne Mbappé du batteur Conti Bilong (habituel musicien de Manu Dibango), d’une section de cuivres cubains, de chœurs franco-congolais, d’un guitariste brésilien et de Laurent Lupidi, programmateur de Zebda et Brigitte Fontaine. Avec tout ce beau monde, Ray Lema livre un répertoire alliant les rythmes des rumbas congolaises au rock en passant par les rythmes traditionnels du Congo et de l’Afrique centrale. Saka Saka effectue plusieurs concerts en 2010 au Festival de Montreux, au Festival panafricain d’Alger et aux scènes ouvertes de la Villette, à Paris, en juillet.
2011 : « 99 »
En août et septembre 2010, Ray Lema et son éclectique Saka Saka enregistrent un nouvel album qui sort le 9 mai 2011. Il s’appelle « 99 », en référence au matricule que les étrangers se voient attribuer quand ils arrivent en France. Sons brésiliens, reggae, jazz, l’album est musicalement diversifié et fortement idéaliste côté textes. Ray Lema y rêve d’une mondialisation tolérante et métissée, loin de celle qu’il observe dans la réalité et qu’il juge standardisée et commerciale. Les chansons de « 99 » sont présentées à Paris le 11 mai à la Bellevilloise et le 28, au musée du Quai Branly
À la fin de l’année paraît sur CD et DVD l’enregistrement de deux concerts inédits donnés au Brésil en mai 2009. Ray Lema y réinterprétait treize de ses titres aux côtés du Jazz Sinfônica de São Paulo, sous la direction du chef d’orchestre João Mauricio Galindo qui donnait une relecture symphonique de ces œuvres.
Insatiable musicien, Ray Lema enchaîne les projets, et en 2012, on le retrouve avec la création « Station Congo », un dialogue entre musiques traditionnelles et modernes du Congo. Ce projet, lancé à l’initiative du festival isérois Détours de Babel, marque un événement dans la vie de Ray Lema puisque pour sa préparation, il retourne en RDC après trente ans d’absence. À Kinshasa, il rencontre des musiciens, traditionnels et rappeurs, qu’il sélectionne pour ce nouveau spectacle, auquel participe également le Congolais Fredy Massamba.
2013 : « V.N.S.P. »
L’année suivante c’est en version jazz que l’on retrouve Ray Lema, avec l’album « V.N.S.P. (Very Special New Production) », clin d’œil au mythique album live d’Herbie Hancock, « V.S.O.P: The Quintet ». Pour enregistrer ces nouvelles compositions hommage au grand maître, Lema choisit une formation en quintette avec le bassiste Étienne Mbappe, Nicolas Viccaro à la batterie, Irving Acao au saxophone et le trompettiste Sylvain Gontard.
Il se produit avec cette formation, au New Morning le 7 février 2013.
Pour cet album « V.N.S.P. (Very Special New Production) », il reçoit le Grand Prix 2013 de l’Académie Charles-Cros en novembre.
Loin de se complaire dans une forme musicale déterminée, Ray Lema multiplie les projets. C’est ainsi qu’on le retrouve aux côtés del’Orchestre Universitaire de Brestau Festival du Bout du Monde en août 2013. La collaboration se poursuivra au Quartz à Brest en mai 2014, puis en Chine pour l’ouverture du Festival Croisements avec l’Orchestre Symphonique de Wuhan dirigé par James Liu. Il donnera plusieurs concerts pendant une quinzaine de jours en avril.
Autre projet, autre univers, Ray Lema s’associe à Rodrigo Viana, Fredy Massamba et Ballou Canta pour le Nzimbu Project : le groupe rend hommage à Aimé Césaire au New Morning le 12 décembre 2013 et se mobilise pour soutenir la Centrafrique en mars 2014 lors d’une soirée de solidarité qui se déroule au Théâtre de la Ville à Paris.
Le projet Nzimbu est porté une nouvelle fois sur scène à La Courneuve en décembre 2014, dans le cadre du festival Africolor. Le spectacle est en kikongo, la langue des ancêtres de Ray Lema, une langue que le pianiste congolais n’a jamais parlée, mais qu’il trouve particulièrement rythmée.
En janvier 2015, sort l’album “Nzimbu“ (« le chant » ou « la fortune » en kikongo), un mélange de rumba typiquement kinoise, de chants d’inspiration pygmée et d’harmonies des Luba, une ethnie du sud de la RDC.
Le 22 janvier 2015, les artistes donnent ensemble un concert au New Morning à Paris pour présenter au public ce nouveau disque.
L’artiste congolais de renommée mondiale devient en octobre le porte-parole de la Coalition internationale des artistes pour la promotion de l’Histoire Générale de l’Afrique, un projet piloté par l’Unesco.
2016 : “Headbug“
Le 22 avril 2016, Rey Lema revient avec « Headbug », un album de jazz. Même si ce titre signifie “Prise de tête“, les mélodies sont pourtant fluides et limpides. Les comparses-musiciens qui accompagnent Ray Lema sur l’album sont ceux qui étaient déjà à ses côtés sur l’album « VSNP- Very Special New Production » comme Étienne Mbappe, Nicolas Viccaro, Irvin Acao et Sylvain Gontard.
Discographie
2016 : Riddles
2011 : 99
2007 : Paradox
2004 : Mizila
2000 : Safi
1998 : The dream of the gazelle (le rêve de la gazelle)
1997 : Stop time
1996 : Green Light
1994 : Tout partout
1993 : Un touareg s’est marié avec une pygmée
1992 : Ray Lema / Professor Stefanov and the Bulgarian Voices of Ensemble Pirin
1992 : Euro-African Suite
1990 : Gaia
1989 : Nangadeef
1988 : Bwana Zoulou Gang
1985 : Medecine
1984 : The Rythmatist
1983 : Kinshasa-Washington DC – Paris Express
1982 : Koteja
Avec la RFI